GRENDEL

» Posted on 8 janvier 2011 in Lectures

Extrait de « Grendel » John Gardner (1971)  traduit de l’américain par René Daillie (Denoël)

« … Je me rappelle les hommes dépenaillés qui se battaient jusqu’à ce que la neige devînt une boue sanglante, et qui gémissaient en hiver, les cris aigus des gens et de animaux en train de brûler, les boeufs lacérés de coups de fouet enlisés dans les fondrières, les restes éparpillés après la bataille : cadavres à demi déchirés par les loups, faucons gorgés de sang. Pourtant  je me rappelais aussi, comme si la chose avait eu lieu, le grand Scyld, dont le royaume n’avait laissé aucune trace, et son fils clairvoyant, dont le royaume encore plus puissant n’en avait pas laissé non plus. Et les étoiles, là-haut dans le ciel, brillaient pour Hrothgar de toutes leurs promesses, d’immense pouvoir et de paix universelle. Les landes que la hache avait dépouillées d’arbres luisaient d’argent au clair de lune, et les lueurs jaunes des huttes paysannes étaient encore dissémninées comme des joyaux sur la cape noir corbeau d’un roi. Je débordais tellement  de chagrin et de tendresse que j’aurais à peine eu le coeur de voler un cochon !

Ainsi fuyais-je -misérable créature velue déchirée par la poésie- et me traînais, gémissant et pleurant, à travers le monde comme une bête à deux têtes, un être mi-agneau, mi-cabri sur les pas d’une brebis indifférente- et je grinçai des dents et pressai des deux mains les deuxx côtés de ma tête comme pour en guérir la fissure, mais en vain… »

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