Extrait de la nouvelle « L’essence de l’art » (© 1989 Iain M. Banks. traduit de l’anglais par Sonia Quémener – Le Bélial)
« … Je me suis retournée pour regarder quelques-uns des passants. Le soleil d’automne, bas dans le ciel -disque rouge vif, poussiéreux, plein de gaz, couleur sang- se frottait contre ces visages d’Occidentaux bien nourris, comme un poison raffiné. Je recherchais leur regard ; ils le détournaient. J’éprouvais l’envie de les attraper par la peau du cou et de les secouer, de leur hurler après, de leur expliquer pourquoi ils s’y prenaient mal et ce qu’il se passait en ce moment : les conflits militaires, les fraudes commerciales, les eaux mensonges des industries et des gouvernements, l’holocauste au Cambodge… Et puis de leur dire aussi ce qui demeurrait possible, à quel point ils étaient tout près de la gagne, les résultats qu’ils pouvaient obtenir si seulement ils s’y mettaient au niveau planétaire…
Mais à quoi bon ? Je restais là, je les observais, et je me suis surprise à endocriner lent sans vraiment le vouloir. Tout d’un coup, j’ai eu l’impression de les voir tous bouger au ralenti ; ils passaient devant moi tels des acteurs dans un film, sur une pellicule trompeuse oscillant entre obscur et granuleux. « quelles chances ont ces gens, vaisseau ? me suis-je entendue murmurer d’une voix pâteuse… «
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