Jean-Claude Mourlevat (2011) – Gallimard Jeunesse
Un séjour à Campagne en apnée.
A la recherche de sa soeur disparue, une jeune fille entre dans un monde parallèle au notre : là-bas, tout ce qui est trop humain, fascine et dégoûte. Un cauchemar entre science-fiction et conte fantastique.
Une route de campagne qui mène vers Campagne : étrange frontière entre deux mondes qui se terrifient mutuellement. Le nôtre effraie par sa saleté, ses microbes, ses débauches, de rires et d’émotions ! Le Leur effraie par l’efficacité de son organisation, la propreté de son silence, l’absence de contact… par son horrible pureté et sa brutalité.
Là-bas, on ne s’agite pas, on n’achète rien et on mange fade. On meurt sans émotion, d’ennui, en s’asseyant (et une brigade vient vous chercher pour vous emmener… dans un endroit pire encore que Campagne). Là-bas, on ne rit pas, on cliquète et on singe l’humain pendant les fêtes, en se salissant.
Surtout, on ne respire pas. Et, si l’on est à la tête de l’état, on envoie des Chasseurs sur Terre, pour se fournir en terrienne. Ainsi Anne, l’héroïne de cette histoire part à la recherche de sa soeur séquestrée à Campagne, aidée par un vieil écrivain en pleine crise de doute…
Jean-Claude Mourlevat le dit lui-même : il n’est pas un spécialiste de science-fiction et s’est aventuré sur les terres de Campagne, armé de sa naïveté (envers ce genre littéraire), et de cette écriture sobre, finement et solidement ancrée dans le ressenti psychologique de ses personnages.
Belle plume à l’imagination fantastique, révérée (et maintes fois récompensée) dans les milieux de la littérature jeunesse, Mourlevat place sa « Terrienne » et ses lecteurs au sein d’un malaise empruntant aux pires visions des sociétés ultra modernes, aseptisées. A la façon d’un conte fantastique et c’est là ma principale frustration : où se situe Campagne, que fait donc là ce vilain monde ? Comment est-il arrivé chez nous ? N’étant pas annoncé comme le premier tome d’une longue série, « Terrienne » gardera tous ses mystères. Ce que perd le récit en sf, est largement comblé par cette étonnante et cruelle vision quasi poétique d’un monde monstrueusement vide d’humanité. Sans doute le roman le moins personnel (le plus facile ?) de Mourlevat (découvrez absolument « la rivière à l’envers » !), mais c’est au final un beau et étonnant message d’amour dédié au bouillonnement de la vie, au chaos chaleureux de notre monde.
Ce que vous vivrez à Campagne…
1- De longs voyages dans des trains vides sous des cieux étrangers
2- Des morts assis, toujours vivants.
3- Des ascenseurs parlant
4 – Un cours de cuisine terrienne, sous comprimés anti-vomitif.
5 – Une utilisation inédite de France-Culture et de NRJ
6- Une complicité douce (et amère) entre une jeune fille téméraire et un grand-père courageux.
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Bravo pour l’initiative ! Votre site est vraiment très beau et donne envie de lire ! Je vais y envoyer mes élèves (professeur de français…) !
En ce qui concerne votre critique de Terrienne, je vous trouve un peu gentil sur la fin : Mourlevat a des facilités et ce roman bien écrit l’a aussi été trop vite, à mon avis (je préférais en effet la poésie de « La rivière à l’envers »). Le message final est vraiment trop naïf…